Adolescent, Jean-Claude Romer était pour moi un nom bien mystérieux. Il ressemblait beaucoup à celui d'Eric Rohmer mais, malgré mes études de cinéma balbutiantes à Toulouse, je savais que ce Romer là (sans H) était une éminence grise, dont le nom revenait autour de "Monsieur cinéma".
C'est dans un train pour le festival d'Avoriaz que ce nom est devenu réalité : je rencontrais un homme très affable qu'une amie commune nous a présenté. Il s'est levé de son fauteuil et nous avons papoté. Comme souvent les gens savants sont humbles et, alors que je pensais qu'il ne me connaissait pas du tout, il m'a dit qu'il aimait beaucoup mes chroniques cinéma dans "Nulle part ailleurs" sur Canal Plus. Nous nous sommes beaucoup fréquentés par la suite, pendant au moins 10 ans. J'aimais ces avis non politiquement corrects, parfois raccords avec les miens ("Wenders, on le sait depuis longtemps, c'est un raseur !", "Eyes wide shut, ce film rance de vieux libidineux", "Rain man", c'est très beau...) Nous étions co-pré-sélectionneurs (avec Jean Chatel et Christine Masson entre autres) du festival d'Avoriaz, dans une salle de projection privée de l'Avenue Foch, qui avait appartenu au Baron Empain et dont les repas post-projections se terminaient irrémédiablement par une île flottante.
Jean-Claude ne s'en laissait pas compter par la doxa, il soutenait des films de genre (y compris français) et n'entourait pas les films s'une brume cinéphilique, mais plutôt d'une approche simple et directe. Quand je lui ai dit que je m'apprêtais à tourner mon premier court-métrage, il m'a dit "La première qualité d'un court-métrage, c'est d'être court !". Je fus circonspect par cette assertion, que je jugeais un peu... courte, mais au final il a raison. Un court ne doit pas traîner, même s'il est long...
Il était souvent entouré de jolies femmes, ce qui nous rendait jaloux. Je me souviens d'un repas dans un restaurant italien en compagnie de Jean-Pierre Rawson et Patrice Flora-Praxo, Eric Lange (Lobster films) où Jean-Claude est arrivé avec une jeune femme saisissante de beauté italienne. Nous n'avons même pas pu lui en parler tellement ce soleil était aveuglant.
Pendant des années, jusqu'à son décès, je n'avais plus de nouvelles de lui. Les réseaux et les emails sont ingrats, car ceux qui ne sont pas rattachés numériquement, au moment où ils se voient moins disparaissent dans des limbes progressives. J'avais des nouvelles de lui ("Il va bien", "Il est seul"... ) mais je ne savais plus comment établir le contact. J'aurais pu faire mieux sans doute.
Enfin, contrairement à ce qui a été dit dans un mensuel à l'annonce de son décès, la phrase que Jean-Claude Romer prononçait en début de repas cinéma était : "Au cinéma, qui nous fait tous plus ou moins bien vivre, mais qui nous fait tous rêver !
Merci Jean-Claude.
Avec Jean-Claude, Marie-Josée Nat, Claude Jade, José-Maria Bescos et Pierre Gaffié au festival de La Ciotat (1993)
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